Défense du point d'appui C à Loyers

Écrit par Christian Philippart

La défense du point d'appui C à Loyers.

Le secteur 1 est pilonné par l'artillerie. Les intervalles entre les forts de Maizeret et Andoy sont écrasés. Les chasseurs à pied de forteresse ne peuvent résister très longtemps. Comme au secteur 4, les défenseurs sont impuissants contre les obus de 420 mm, plus de 900 kg d'acier contenant une énorme charge détonante. C'est la retraite, il y aura beaucoup de prisonniers.

Le 1er régiment de chasseurs à pied de forteresse

Léopold Van Landegem et Alphonse Van Landschoot
Léopold Van Landegem et Alphonse Van Landschoot

Léopold Van Landegem et Alphonse Van Landschoot

Deux chasseurs à pied de forteresse présents dans la défense de la position fortifiée de Namur. Un régiment formé de soldats issus des classes anciennes. 1899-1905.
Malgré leur ancienneté, ils firent preuve d’un bel enthousiasme : « le moral des troupes est excellent, les hommes n’attendent que le moment de marcher aux Allemands » note le lieutenant A. Mathieux, commandant la 3 ème compagnie du Ier bataillon.
Merci à M. Niko Van Kerkhoven qui nous a prêté des documents sur ce régiment.

Un jeune lieutenant à la tête d’une compagnie.

Le 7 août, Albert Mathieux, alors lieutenant au 13 ème de ligne, est muté et prend le commandement de la 3 ème compagnie du Ier bataillon du 1 er régiment de Chasseurs à pied de forteresse. Il contribue avec sa compagnie à la défense du point d’appui C, à Loyers. C'est le carnet de notes de cet officier qui nous a permis de retracer les événements qui se sont déroulés dans les tranchées défendant le village.

Le lieutenant Albert Mathieux, alors qu'il était encore au 13 ème de ligne.

En défense du secteur 1.

Arrivé le 4 août 1914 à Namur, le 1 er régiment de Chasseurs à pied de forteresse, venant de Charleroi, est désigné pour la défense du secteur I de la position fortifiée de Namur. Les trois bataillons se dispersent dans la zone à défendre, le II ème, près du fort de Maizeret, le Ier en arrière du fort d' Andoy et le III ème aux abords du fort de Dave et de la Meuse. Le secteur I avec ses trois forts et ses différents points d'appui. C'est le point d'appui C, près de Loyers qui retiendra toute notre attention.

Victor Bouchat
Victor Bouchat

Victor Bouchat, un habitant de Lustin probablement versé dans ce régiment

Il est né le 7 décembre 1878 est donc de la classe 1898 et ne fait pas partie des classes levées lors de la mobilisation. Il s'engage comme volontaire le 4 août 1914 au 1er chasseurs à pied. Son dossier militaire ne donne que peu d'informations mais au vu des récents renseignements récoltés, on peut néanmoins penser qu'en raison de son âge, il sera versé dans le régiment de forteresse. Nous lui consacrerons un paragraphe dans la page réservée aux volontaires de guerre.

Le 1er régiment de chasseurs à pied de forteresse. (1ChpF)

A l'instar des autres régiments de forteresse, le 1ChpF. est essentiellement constitué de classes anciennes (1899-1905). Des hommes qui ont oublié les acquis de leur service militaire, comme le maniement d'un mauser 1889 ou bien encore les mouvements disciplinés d'une troupe sur le terrain, des trentenaires dont le manque d'entraînement a altéré la forme physique. Par contre, précisent les rapports, leur moral est excellent. Constation confirmée par Albert Mathieux et il exprime sa confiance dans la bonne fin de sa mission parce que les hommes travaillent avec entrain « les troupes construisent des retranchements formidables qui rendent la place imprenable et qui décimeront les bataillons allemands marchant à leur attaque ». « Le moral des troupes est excellent, les hommes n’attendent que le moment de marcher aux Allemands… » Le village de Loyers est occupé par les nombreuses troupes qui logent sur place pendant les travaux : « écoles, maisons, granges tout est rempli de soldats à l’exception de l'église ... L'ordre le plus parfait règne parmi les troupes installées ici et officiers et soldats s’acquittent consciencieusement de leurs devoirs. (religieux) Ceux-ci sont d'une soumission complète et se disposent au combat avec un sang-froid admirable . La nourriture des soldats est plus qu'abondante » note le curé de la paroisse. Une fois seulement, le 12 août, alors que la compagnie doit quitter le cantonnement pour occuper définitivement les tranchées, le lieutenant Mathieux constate une certaine forme de résignation parmi ses chasseurs :. « Me voilà donc arrivé à Loyers avec une compagnie qui marche plutôt en rechignant » confie-t-il à son épouse. Mais à la défense des soldats, force est de constater que lui-aussi est quelque peu atteint par ce changement. « Je suis donc installé à Loyers , installé est beaucoup dire car nous devons loger à la belle étoile et rester toujours dans les tranchées, ce n'est pas gai surtout avec l'appréhension d'être attaqué la nuit ». Un mauvais passage bien vite oublié car la mentalité repart à la hausse et deux jours après, il note de nouveau que : « le moral des troupes est excellent », et d'ajouter dans un autre courrier : « Mes hommes et moi attendrons les Allemands de pied ferme avec les milliers de munitions dont nous disposons. Ce sera une boucherie fantastique... ». Si l'état d'esprit de ces troupes est considéré comme bon, il en est différemment pour le cadre officier. Des officiers, au nombre insuffisant, dont « la valeur militaire est loin de présenter les garanties voulues... plusieurs officiers ont dû être écartés du service actif pour cause d'insuffisance ». Constat de nouveau confirmé par A. Mathieux lorsqu'il prend son commandement. « mes deux sous-lieutenants s'en fichent, aussi ont-ils été sermonnés d'importance ce matin. Ma situation est déjà assez compliquée sans encore être toujours derrière mes subalternes ». Ce sera néanmoins la seule note négative émise par ce jeune commandant de compagnie.

Le point d'appui C à Loyers

Le point d'appui C à Loyers
Le point d'appui C à Loyers

C'est donc à la tête de la 3 ème compagnie forte de 202 hommes que le lieutenant A. Mathieux organise et occupe la tranchée (3) qui lui est dévolue dans le point d'appui C à Loyers. une des deux tranchées situées de par et d’autres du chemin de terre reliant la ferme de Bialy (4) au village. Deux autres compagnies, la 2 ème/I/1ChpF. et la 4 ème /II/1ChpF. contribuent à la défense de la position. Elles sont renforcées par de l'artillerie mobile de forteresse (batterie c8 III (1)) et une section de mitrailleuses (2) . Un champ de mines (croix noires) et un réseau de fil de fer (croix rouges) constituent les défenses accessoires de ce point d'appui situé entre deux forts, au Nord celui de Maizeret,(5) à l'Est celui d' Andoy (6) . Au total huit pelotons du II ème bataillon du 1 er chasseurs à pied de forteresse.

La ferme de Bialy incendiée le 23 vers 13 heures et les deux tranchées de part et d'autre du chemin de terre.
La ferme est située par la flèche

La ferme de Bialy incendiée le 23 vers 13 heures et les deux tranchées de part et d'autre du chemin
La ferme de Bialy incendiée le 23 vers 13 heures et les deux tranchées de part et d'autre du chemin

Des travaux d'envergure qui durent jusqu'au 20 août..

Les travaux commencent sous les ordres du nouveau commandant de compagnie secondé par les nombreux civils réquisitionnés. . « Un grand nombre de civils venant des villages voisins se mettent à l'œuvre sous commandement militaire pour l'organisation des ouvrages de défense; sapement des bosquets avoisinants les forts, placement de fils de fer barbelés, creusement de tranchées couvertes ensuite de gazon enfouissement de mines dans les campagnes et prairies... » explique le curé. Le paysage est fameusement modifié par l’arasement des abords des forts ainsi que par l’abattage de zones boisées entières Si le creusement de tranchées constituent l'essentiel du travail, il n'en reste pas moins que les hommes doivent également exécuter des travaux d'obstruction et de destruction. Le dégagement du champ de tir et des abords des défenses nécessitent parfois de lourds sacrifices de la part des populations civiles


Rapport du Curé de la paroisse :

Rapport du Curé de la paroisse 1914
Rapport du Curé de la paroisse 1914
Rapport du Curé de la paroisse 1914
Rapport du Curé de la paroisse 1914

Les autorités avaient prévenu à l'avance qu'il faudrait quitter les maisons et qu'on les ferait sauter
Plusieurs habitations du secteur sont dynamitées par le génie belge « afin qu'elles ne servent pas de refuges pour les troupes allemandes ». Le château et la ferme de la Perche et 18 maisons à Wierde , ainsi qu'à Loyers où « pour des raisons stratégiques, deux fermes du hameau de Limoy, hameau de Loyers , sont détruites en partie ».


Les différents travaux entrepris par les troupes avec l'aide de civils réquisitionnés.
On remarque les réseaux de fils (croix noires) les champs de mines (croix rouges) les positions de batteries (canon stylisé), les zones d'obstruction (près des forts, zones hachurées).

La vie au quotidien

Chaque jour, la compagnie se rend aux tranchées et le soir, elle rentre au cantonnement tout en laissant un groupe de sûreté sur place. De jour en jour, « les tranchées se solidifient » écrit-il à son épouse. Des tranchées importantes selon un autre témoignage « des tranchées couvertes de gazon ». « Ma situation est bonne, je n'ai qu'à me rendre aux tranchées et aux travaux de dégagements qui se font sur la ligne des forts ». Du moins jusqu'au 12 août date à laquelle, comme nous l’avons vu, il faut quitter le cantonnement pour investir définitivement les lignes de défense avec « la pluie (qui) semble se mettre de la partie et ce ne sera pas gai surtout pour la santé. Espérons que tout ira bien» écrit le commandant de compagnie . Les instructions et ordres généraux ponctuent le quotidien des soldats comme ces consignes qui rassurent « prendre les mesures afin de pouvoir se prêter un mutuel appui » entre les différentes tranchées, d'autres qui soulagent, il faut « employer dans la plus large mesure possible l'élément civil de manière à ménager la troupe » mais également des ordres qui glacent le sang...« les troupes d'infanterie de forteresse doivent résister à outrance dans leurs tranchées et ne peuvent reculer sous aucun prétexte ». Un détail qui fâche ! le courrier tarde à arriver, La poste accuse de sérieux retard, tout le monde est mécontent et pour éviter tout mécompte, le lieutenant Mathieux conseille à son épouse de lui envoyer sa correspondance à l'adresse suivante : Café Massart-Toisoul à Loyers, pour M. Mathieux. Ne pas oublier d'affranchir ! »
.

L'ennemi approche

De la cavalerie ennemie est découverte « vers le Sud » devant le front. Les hommes montent de garde. La nuit est longue et génère de l'anxiété parmi les sentinelles. « Jeudi 13 août à 3h1/2 , alerte causée par la panique d'une sentinelle ».
Le vendredi 14, des uhlans sont signalés en grand nombre vers le Sud. Le canon tonne de plus en plus près.
Le samedi 15 août « entendu très longtemps le canon vers Yvoir » note-t-il dans son carnet. « Il paraît que le IV ème corps prussien y aurait-eu une pile soignée, acceptons-en l'augure ». On commente le fait parmi les soldats. « Suite à la bataille d'hier, on raconte que la Meuse est rouge de sang et charrie des cadavres de toutes sortes, des trains entiers de blessés roulent vers l'intérieur, cela a dû être épouvantable ». consigne-il, le 16 dans un courrier à son épouse. Extrait de son carnet.

L'ennemi approche -Loyers 1914
L'ennemi approche -Loyers 1914

Lundi 17 août.
Nouvelle alerte pendant la garde de nuit, « une sentinelle tire sur des chevaux en liberté ».
Mardi 18 août, dégagement du champ de tir par un peloton construction d’une tranchée en arrière du point d’appui par un peloton... de petites tranchées aisément franchissables qui serviront de points d'appui ou points de repli pour nos contre-attaques » précisent les ordres.
Mercredi 19 continuation des travaux malgré l’apparition de divers éclaireurs, toutefois, par mesure de sécurité, « garde sérieuse la nuit » ordonne-t-il à ses sentinelles.
Malgré ces signes précurseurs, il note le 20 août dans son carnet : « Rien de spécial sur le front ! ». Ce qui confirme ses observations précédentes. « pas plus d'Allemands que sur ma main ». Voulait-il rassurer sa famille en minimisant le danger ? Les hommes préparent néanmoins des sacs de terre pour s'abriter. Pourtant l’ennemi se presse devant les lignes. Les 22 ème et 38 ème divisions d'infanterie, renforcées par des régiments de pionniers, une artillerie de campagne et une artillerie lourde, se massent. devant le secteur. La tension monte.
Bien que le secteur I soit le point de rupture choisi initialement par l’état-major allemand, aucun fantassin allemand ne s'approche des lignes de défense. L’ennemi se borne à relever des positions par le biais de patrouilles. En réalité, suite au siège de Liège qui a été trop coûteux en hommes, les généraux allemands ont changé leur tactique. Leur artillerie doit annihiler toute résistance sous un déluge de feu et de fer, avant d’envoyer l'infanterie à l'assaut les derniers remparts de la position. Le 22, l’état-major allemand changera de nouveau ses plans et l’attaque principale aura lieu sur la rive gauche du fleuve, entre Cognelée et la Meuse, un secteur jugé plus favorable aux assaillants. Toutefois, le secteur I , entre la Meuse et le fort d’Andoy resté sous la menace de la 22 ème division, subira un bombardement en règle

Le bombardement commence le 21 août. « Le bombardement du fort de Maizeret commence. Reçu avis que les intervalles de Maizeret-Marchovelette-Cognelée sont attaqués ».

« Le vendredi 21 août, dans la matinée a commencé le bombardement du fort de Maizeret. J' occupais alors les tranchées Sud-Est de Loyers à environ..( ?).. mètres au ..( ?).. du fort de Maizeret. Le tir a été très continu et fut bientôt très précis. Dès le début de l'après-midi, le terrain situé entre mes tranchées et la ferme de Bialy fut battu par les shrapnels tirés par des batteries de campagne. Selon le témoignage du curé de Loyers, « au-dessus de certaines tranchées, l’on voyait passer un aéroplane laissant descendre des signaux lumineux pour indiquer l’endroit. Immédiatement le tir est réglé et une pluie de shrapnels arrive dans la direction des tranchées, vivement et sûrement ». Nulle trace de ce fait dans le carnet de notes. "La ferme Bialy fut incendiée vers 13 heures. Le tir s'est ralenti vers le soir et la nuit les coups étaient plutôt rares".
Le samedi 22 août, vers huit heures, le bombardement est repris avec une rigueur nouvelle et une très grande précision. Le terrain situé devant moi fut à nouveau arrosé de shrapnels ainsi que les tranchées situées derrière les miennes et occupées par la 2/IV (la 2/I)i, là le tir se faisait par percutant » . Vers 14 heures le fort ( de Maizeret) a incendié une maison en planches située au Nord de l'église de Mozet « où j'avais découvert une patrouille ennemie et une batterie d'artillerie. J'avais signalé le fait vers 11 h.15 au commandant du sous-secteur ». Vers 15 h, le fort cesse de répondre au tir allemand et vers 19h30, « la garnison s'en est échappée en une débandade effrayante, ce qui a produit sur mes hommes occupant les tranchées, un effet moral déplorable ». Peu après, la compagnie occupant les ouvrages annexes a également battu en retraite. Le lieutenant Mathieux, ignorant la situation critique de la forteresse, interprète le passage de la garnison comme une fuite. La réalité, selon les témoignages d’un sous-officier du fort, est différente.


Le Fort de Maizeret après l'attaque

Le Fort de Maizeret après l'attaque 1914
Le Fort de Maizeret après l'attaque 1914
Le Fort de Maizeret après l'attaque 1914
Le Fort de Maizeret après l'attaque 1914

Toutes les coupoles sont hors service.« Aussi, le commandant estimant que dans ces conditions, les moyens de dépense étaient annihilés et ne voulant pas exposer sa garnison à l'anéantissement ou à la capture et priver ainsi le pays de 400 hommes valides, il décide d'évacuer le fort à la chute du jour. Résister dans de telles conditions, avec de tels moyens, « donnerait lieu à une hécatombe inutile.Les artilleurs et les fantassins s'échappent sous le feu ennemi avec Loyers pour point de ralliement. Ils reprendront les armes dans les tranchées ou dans des batteries d'artillerie de campagne. Arrivée de ces artilleurs au village confirmée par le curé : « le fort de Maizeret est tombé, on voit apparaître les braves artilleurs traversant le village en bon ordre pour passer la nuit à la ferme du château ». La nuit le tir a continué très lent et alternativement à shrapnels ». Les Allemands ignorant cet abandon continuent le lendemain l'écrasement du fort.
Le fort de Maizeret après l'attaque.
Les artilleurs allemands visent également les défenses accessoires. Les batteries mobiles sont des cibles importantes car elles sont très actives. Proche des tranchées occupées par notre témoin, la C8 III encaisse plusieurs coups au but. Parmi les victimes, Joseph Marchal de Lustin.

Joseph Marchal
Joseph Marchal

L'ordre de repli.

« Vers 13h 40, je reçus une note non signée prescrivant la retraite vers Bossimé. Six hommes dont le sergent-major fourrier partirent vers Lives sur des bicyclettes civiles. Je fis prendre le plus de munitions possible, les fis charger sur deux voitures que j'avais réquisitionnées. Ces charrettes transportaient également les affaires des officiers et les armes des malades. Elles précédaient ma compagnie qui marchait en bon ordre jusqu'à la ferme de Bossimé avec un peloton en arrière à trois cents mètres » . Les obus balaient le plateau, des obus rasant le sol et venant de Bouge. « Vers la ferme, un obus a tué le cheval et anéanti les voitures. C’est là que le soldat Patris et deux autres hommes ont été tués..». La cohue est totale, civils et militaires se pressent vers Namur. « Désordre énorme dans la retraite vers Boissimé, par suite du manque d’ordres » souligne notre témoin. A Bossimé, un capitaine des chasseurs fait rebrousser chemin aux civils, en direction de la Perche et de là vers la route de Marche., Les soldats belges viennent relever les fils afin de laisser passer les villageois raconte le curé d'Andoy.

La compagnie se retire des tranchées et (3) par le village de Loyers, gagne la ferme de Bossimé (2) . Six hommes (1) quittent la colonne pour se diriger vers Lives-sur-Meuse. Le plateau bien dégagé entre les bois environnant est repéré par les artilleurs allemands placés du côté de Wartet et Cognelée.
Puis c'est la descente vers la Meuse en direction de Jambes.
Le plateau de Bossimé, à gauche les bois vers Erpent, au centre la ferme, à droite, sur l'autre rive, direction Wartet, les batteries allemandes.

Les soldats quant à eux, gagnent la vallée « vers la Meuse, direction Jambes...». Les Allemands les attendent depuis l'autre rive, d'autres ont déjà passé le fleuve et foncent à la rencontre des nôtres. Un bref combat s’engage et, note le lieutenant Mathieux,« pertes d’hommes accueillis là par l’ennemi .... Je ne reçus aucun ordre quant à la direction à suivre. Je longeai la lisière du bois et me dirigeai avec mille précautions vers Erpent.. Retraite à travers bois.. Nouvelle attaque d'artillerie. Énergie énorme nécessaire pour se retirer ».

Cgâteau d'Erpent
Cgâteau d'Erpent

« Par mille détours dans le bois à l'Est d'Erpent ,j 'arrivai près du château que l'on commençait à bombarder » Tous les officiers des diverses unités se sont réunis et tiennent conseil sur la direction à prendre . Il est décidé de rejoindre la route de Marche vers Namur. « Arrivés à la borne de cette route des habitants nous dirent avoir vu des troupes belges se retirer vers Géronsart. Nous nous dirigeâmes de ce côté sans être inquiétés et nous allâmes vers Velaine Amée» afin de passer le pont y construit.

Le passage de la Meuse au pont de circonstance de Amée.

Une compagnie du 33ème de ligne, présente à Dave, assure la protection de ce passage. « Notre compagnie fut chargée de protéger la retraite et à cet effet nous nous dispersâmes en tirailleurs sur la gauche de la route qui longe le chemin de fer du Nord »raconte l’un des soldats. Lorsque toutes les troupes auront franchi le fleuve, une section du génie, sous les ordres de l'adjudant Vital Léonard, assurera le destruction totale de l'ouvrage reliant Amée et Wépion.
L'amorce de la passerelle franchissant le fleuve entre Amée et Wépion.. On distingue les meurtrières dans le mur d'enceinte de la propriété.
Rapport du 7 septembre : Renseignements relatifs aux pertes de tous genres
« La compagnie sous mon commandement était forte de 202 hommes sous-officiers, caporaux et soldats. Il m'en reste actuellement 120. Elle a donc 82 disparus. Le sergent major fourrier FF. Godfurnon étant porteur de l'administration de la compagnie et partant de l'état-contrôle a disparu. Il en résulte par conséquent qu'il est impossible d’identifier tous les disparus. Les renseignements ont été fournis par des hommes de l'unité. Les soldats Cohy, Verlinden et Clément (+) ont été blessés lors de la traversée du bois d'Erpent. Ce dernier a été transporté par la Croix-Rouge (mort en août 14). Le caporal Van Trier a soigné un malade à Erpent et n'a jamais rejoint. Les soldats Scheppens, Deren, Pintjens, De Bruyne, Jonkheere ont abandonné la compagnie entre Namur et Bioul. Les sergents Van Heemerzeel et Kaisin, le caporal Servais, les soldats Dezoote, Waegemans, Rosquerel, Tombeur, Gobert, Monthy, André, Renard, Bernard et Bervoet sont restés en arrière pour se rendre à la colonne d'ambulance à Bioul et n'ont jamais rejoint. Le soldat Patris et deux autres dont les noms sont inconnus ont été tués près de la ferme de Bossimé.
Quant aux 56 autres disparus, il est impossible de déterminer leur nom. Ils ont vraisemblablement quitté la colonne entre Bioul et Liart et n'ont jamais rejoint. Les munitions se trouvaient dans la tranchées. J'en ai fait prendre le plus possible et les ai fait charger sur deux charrettes que j'avais à ma disposition (réquisitionnées) . Ces charrettes transportaient également les coffres des officiers et les armes des malades. En remontant vers la ferme de Bossimé, un obus a tué le cheval et anéanti les voitures. C'est là que Patris et deux autres hommes ont été tués ( ?) d'après les renseignements fournis par le caporal Servais qui convoyait les voitures.

Extrait du rapportLes différents habillements et équipements ainsi que les couvertures ont été pour la plupart laissés dans les tranchées vu la violence du bombardement et la nécessité plus grande de prendre le plus de cartouches possible. D'autres hommes ont abandonné leurs effets en chemin suivant la fatigue et la nécessité d'aller vite et sans repos pour échapper l'étreinte des Allemands. Les hommes de la compagnies munis de bicyclettes de réquisition (soit 6 au total dont le sergent-major fourrier Godfurnon ont disparu et avec le sergent-major, l'administration et le reliquat de la feuille de prêt, soit environ deux cents francs placés dans un coffret au cadre du vélo »

Et dans les tranchées ?

Tranchés à Loyers 1914
Tranchés à Loyers 1914

Les tranchées devant la ferme de Limoy.

Les civils à peine rentrés fouillent les tranchées abandonnées lors de la retraite. Ils sont tous à la recherche de couvertures ou d’objets divers laissés là dans la précipitation de la retraite. Ce qui est confirmé par le prêtre de la paroisse.
Huit jours après l’occupation du village, quelques villageois, accompagnés de soldats allemands se rendent dans les tranchées près de Limoy. Plusieurs cadavres de chasseurs y gisent encore sans sépulture. Ils seront provisoirement inhumés dans le cimetière du village.
Le curé de Loyers rapporte que....

Au nom de tous les autres, quelques tombes de la nécropole militaire de Champion/Marchovelette.

nécropole militaire de Champion/Marchovelette.
nécropole militaire de Champion/Marchovelette.

Le régiment a chèrement payé sa participation à la défense de Namur. Lorsque le 19 août, les troupes de campagne réintègrent la position fortifiée de Namur, le régiment se retrouve en premières lignes à défendre les intervalles du secteur IV. ( Maizeret-Dave). Combien de morts ? Impossible encore de le dire mais les pertes furent sévères comme l’écrivent les communiqués militaires. La plupart des victimes sont mortes des suites des bombardements des tranchées qu’ils défendaient. Plusieurs seront inhumées sans identité. A Marchovelette, on dénombre neuf tombes de chasseurs à pied de forteresse « inconnus ».
Sans compter les blessés pris en charge par le service de santé et transportés vers l’arrière pour y recevoir des soins plus importants. A l’instar de ce soldat blessé le 23 août près de la ferme Romedenne, proche de l’église de Maizeret, et qui sera transporté à Namur pour y recevoir des soins, comme tous ceux, qui par leurs propres moyens ont rejoint la colonne d’ambulance, comme ceux restés sur place parce que’intransportables et qui tomberont aux mains de l’ennemi pour parfois être achevés d’un coup de baïonnette...
Et tous les prisonniers en ces premiers jours de guerre ! Ils devront attendre quatre longues années dans les camps de Munster, Hamelin ou Soltau (pour les prisonniers de ce régiment) avant de retrouver leur famille. Beaucoup étaient mariés et avaient des enfants.. Leur âge, approchant la quarantaine, était pour l’époque un facteur invalidant face aux conditions de vie sévères dans les camps. Et tous les prisonniers en ces premiers jours de guerre ! Ils devront attendre quatre longues années dans les camps de Munster, Hamelin ou Soltau (pour les prisonniers de ce régiment) avant de retrouver leur famille. Beaucoup étaient mariés et avaient des enfants.. Leur âge, approchant la quarantaine, était pour l’époque un facteur invalidant face aux conditions de vie sévères dans les camps.


Au cimetière de Belgrade (Namur)

Léopold Van Landegem
Léopold Van Landegem
Alphonsde Van Landschoot
Alphonsde Van Landschoot

Léopold Van Landegem (à g.) et Alphonsde Van Landschoot (à dr)

Originaires du village de Maldegem, Léopold Van Landegem (à gauche) et Alphonsde Van Landschoot (à droite) ont fait leur service militaire au 1er régiment des chasseurs à pied.. Rappelés tous deux en 14, ils se retrouvent à Namur. Ils perdront la vie lors de la retraite. Le premier à Pesches, le 29 août, au couvent des sœurs où il était soigné, le second à Bioul, le 24 alors que les troupes en retraite se rassemblaient dans ce petit village. La sépulture d’ Alphonse Van Landegem à Marchovelette. Lieu d’inhumation inconnu pour son frère d’armes.

Charles Coessen

Le 24, le corps d’Alphonse Coessens est retrouvé près de l’église du village. Il sera momentanément enterré à Maizeret.
inhumé aux côtés de H. Aloïs Fonryn, tué lui aussi à Maizeret
Les sépultures des deux chasseurs à pied de forteresse.

Alphonse Goussens
Alphonse Goussens

H. Aloïs Fonryn, mort à Maizeret.
En dessous, Frausen Auguste, un autre chasseur à pied de forteresse tué à Jambes.

Hendrick Bischop

Le soldat Bischop Hendrick a disparu lors de la retraite. Après 1917, son corps fut retrouvé dans une sépulture du cimetière allemand de Maison-Saint-Gérard situé route des Fermes, près de la ferme de Libenne. Une pierre portait le nom de Bischop Hendrick (du) 1er régiment de chasseurs à pied, mort le 24 août 1914. (Combat de Ermeton-sur-Biert?)
Il fut transféré au cimetière militaire de Marchovelette. Sa pierre tombale du cimetière allemand se trouve maçonnée dans la façade de l'église de Maison- Saint-Gérard.

Belaen Emiel, considéré comme disparu puis retrouvé mort et inhumé à Marchovelette

Belaen Emiel
Belaen Emiel

Ongenae Aloysius.
Mort dans les tranchées entre Andoy et Wierde le 23 août 14. A-t-il été retrouvé par les villageois lors de la récupération des corps?

Ongenae Aloysius.
Ongenae Aloysius.

Sources : Les fiches du Comité international de la Croix-Rouge à Genève.
le carnet de notes de M. Albert Mathieux, lieutenant à la 3ème compagnie du II bataillon du 1er ChpF.
Merci à son petit-fils pour m'avoir permis de le consulter.
La documentation de M. Niko Van Kerkhoven (les photos des chasseurs à pied sont sa propriété) Voir ses sites consacrés aux chasseurs à pied de forteresse:
http://www.everyoneweb.com/fransvankerckhoven
http://chasseurgraves.weebly.com/champion-bmb.html
Photos de MM. Liégeois et Matagne
Le tableau appartient à M. P. Pirmez.
Madame Françoise Faulkner, la petite nièce de Karel Geudens. merci du partage
Archives militaires Evere, dossier militaire de Marchal J. et Bruxelles pour V. Bouchat
Archives de l'Evêché, archives paroissiales pour les paroisses citées.
La défense de la position fortifiée de Namur, 1930,
Colonel Bujac, La défense....
J. Schmitz et N Nieuland, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg,
Le siège de Namur
Journal La Province de Namur, août 1920
Rapport du Général Henrard
Août 1914, Namur sur le pied de guerre, La mise en défense autour et en arrière des forts, sous le direction de J. Chainiaux et Ph. Bragard. Les Amis de la Citadelle de Namur
Coll. Province de Namur, Merci à Mad. Mélodie Brassine.