Le petit coffre noir de Mercy d'Argenteau
Écrit par Christophe de Beaufort
Lorsque j’étais enfant, je venais souvent rendre visite à mes grands parents Baudouin et Beatriz de Beauffort qui habitaient le château de Loyers près de Namur.
Ce sont mes arrière- grands-parents Jean et Adélaïde de Beauffort qui l’avaient acquis en 1904 et aménagé pour pouvoir y séjourner de juin à octobre.


Le château avant son agrandissement


Jean et Adélaïde de Beauffort avec 4 de leurs enfants et les Fallon de Beez voisins de campagne Château de Loyers, Août 1916






Baudouin, Christophe, Jean-Jean et Jean V Beatriz de Beauffort née Falcon
Pour me distraire et par curiosité j’avais pris l’habitude de fouiller caves et grenier afin de mieux comprendre l’histoire de cette maison. C’est lors d’une expédition dans les dépendances, que je découvris parmi un invraisemblable bric à brac, un merveilleux coffret noir orné d’une couronne dorée et serti de filets en laiton. Il contenait 4 ravissants flacons à parfum en verre bleuté et deux tiroirs garnis de portraits photos divers.
Intrigué par cette découverte, j’obtins alors l’autorisation de confier l’objet à un ami ébéniste, afin de lui redonner l’éclat d’antan.
Grâce à la découverte insolite de ce coffret Mercy-Argenteau, je voulus approfondir l’histoire de nos ancêtres.






Le coffre Mercy-Argenteau - Le blason des Argenteau - Les armes des Mercy-Argenteau
Les Argenteau devenus au 18ème siècle Mercy-Argenteau sont une très ancienne famille liégeoise qui remonte au 12ème siècle et dont la devise était
« PLUS QUE JAMAIS ARGENTEAU ».
Elle a fourni plusieurs Bourgmestres à la ville de Liège, des Généraux, des diplomates, des ecclésiastiques, des Maréchaux, des Grands Baillis du Condroz etc.
Elle avait pour berceau la seigneurie d’Argenteau située sur la commune du même nom.
En 1461, une branche de cette famille s’installa dans le Condroz hutois au château d’Ochain suite à la vente de cette propriété par Henri II de Hornes à Guillaume d’Argenteau. Elle arrivera à garder ce domaine pendant plus de quatre siècles grâce au droit d’aînesse.
En février 1794, Florimond-Claude de Mercy-Argenteau (1727-1794) décida d’adopter son petit neveu le comte François-Joseph d’Argenteau afin de lui transmettre son nom et ses biens.
C’est ainsi que la branche d’Argenteau d’Ochain deviendra «Mercy-Argenteau ».
Florimond-Claude sera très connu comme Ambassadeur d’Autriche à la Cour de Versailles entre 1766 et 1790 et comme très proche conseiller de la Reine Marie-Antoinette®. Sa carrière diplomatique aura duré en tout 40 ans. Il deviendra ensuite Gouverneur Général des Pays-Bas de 1790 à 1793 par la volonté de l’Empereur d’Autriche. En 1794, chargé d’une mission importante par son souverain, il part en Angleterre afin d’obtenir de cet état l’aide financière nécessaire aux préparatifs d’une coalition contre la France républicaine ; arrivé malade à Londres, Il meurt le 26 août 1794.


Le château d’Ochain situé sur la commune de Clavier






François-Joseph (1780-1869) Charles-Joseph d’Argenteau - Florimond-Claude de Mercy-Argenteau (1787-1879) (1727-1794)
François-Joseph de Mercy-Argenteau (1780-1869) épousa à Vienne en 1803 une Autrichienne, la très élégante Thérèse von Paar, fille du Prince Jean-Wenceslas et de son épouse née Marie-Antoinette Princesse de Liechtenstein. Nommé Ambassadeur de France à Munich de 1812 à 1814, il quittera la France après les adieux de Napoléon à Fontainebleau pour devenir Grand Chambellan du Roi des Pays-Bas Guillaume Ier. Un peu plus tard, il sera Gouverneur de la Province du Brabant méridional à Bruxelles et Conseiller d’Etat.
Pour la petite histoire, il avait bénéficié de trois héritages, le premier et le plus important reçu en 1794 à l’âge de 14 ans de son oncle le comte Florimond de Mercy-Argenteau, dont nous venons de parler ci-dessus. Le second en 1809 venant de ses parents, et pour finir, celui de son frère , le comte Charles-Joseph d’Argenteau d’Ochain, Archevêque de Tyr.
Ce magnifique patrimoine terrien, jamais divisé grâce à l’existence du droit d’aînesse, couvrait environ 10.000 Ha. Il était principalement situé sur les hauteurs de Huy dans la même région que Modave, Pailhe, Abée, Beemont, Vervoz etc..
Les châteaux venant du côté de ses parents étaient : Dongelberg, Argenteau, Hermalle (sous Argenteau), le comté de Globen et la seigneurie de Walsch en Bohême.
De son frère Charles-Joseph, Archevêque de Tyr : le château d’Ochain ainsi que les biens qu’il possède à Clavier, Val et Terwagne... De son oncle Florimond-Claude d’Argenteau : le comté de Mercy situé dans l’arrondissement de Briey et de Thionville (département de laMoselle) , les domaines de Fologne, Barse etMehaigne. Juste après son mariage, il habitera une grande demeure au 58, Rue des Saints-Pères dans le Faubourg Saint-Germain à Paris mais la quittera pour acheter un magnifique hôtel de maître situé juste à côté de la Place de l’Etoile, actuellement notre ambassade de Belgique. En 1817, il achètera Vierset, situé non loin d’Ochain, propriété voisine de Strée et de Modave.


Le Château de Vierset
En 1820 il décide de construire une distillerie dans sa nouvelle propriété où il aura 3 cuves à genièvre qui tourneront en continu pour concurrencer efficacement les 41 distilleries installées dans l’arrondissement de Liège et parviendra en 1823 à produire mille litrons qu’il fournira à Huy.
C’est la banque Vercours de Liège qui se chargera pratiquement de toutes les opérations financières effectuées par François.
Il aura aussi des intérêts à Saint-Domingue, ancienne colonie française, où il occupera plus de cent esclaves dans sa plantation de sucre.
A cette époque François-Joseph de Mercy-Argenteau jouissait aux Pays-Bas de la seconde fortune en importance, après celle les Princes d’Arenberg.
Ce beau patrimoine fut partagé entre ses quatre enfants.
Ce sont Charles de Mercy-Argenteau et son épouse Adélaïde van Brienen, qui après leur mariage à Amsterdam en 1835, occuperont Ochain une grande partie de l’année. Chambellan de SM le Roi Guillaume des Pays-Bas, il passera beaucoup de temps à voyager entre Paris, Bruxelles et les Pays-Bas




Le comte Charles de Mercy-Argenteau (1808-1886) - Adélaïde et ses deux filles, Marie-Ange et Angélique.
Charles et Adélaïde eurent 4 enfants, deux garçons et deux filles :


Carl (Charles-Henri) qui épousera la gracieuse Alix de Choiseul Praslin et Eugène qui unira sa vie à Elisabeth de Riquet Comtesse de Caraman Chimay.
Leurs deux soeurs étaient Marie-Ange qui épousera le Duc d’Harcourt (de Thury-Harcourt dans le Calvados) et Angélique, devenue Comtesse Emile d’Oultremont deWégimont et de Warfusée. Cette dernière était la mère d’Adélaïde, l’épouse de Jean de Beauffort.
A la fin du 19ème siècle, l’ensemble de la fortune de cette belle et ancienne famille sera divisée entre les familles : de Gommegnies, Crotti de Costigliole, de Treil de Pardailhan, d’Harcourt, d’Oultremont de Warfusée, d’Avaray et de Pimodan.
La dernière des Mercy-Argenteau, Georgina épousa à Paris le 29 janvier 1885 le comte Claude de Pimodan Duc de Rarécourt et transmit ses biens à ses enfants et petits- enfants dont nos cousins d’Overschie de Neeryssche qui habitent depuis toujours le très agréable château de Beemont situé juste à côté du bois d’Ochain.
Une autre histoire commence dans cette région à la suite de cette famille vraiment exceptionnelle.




Angélique de Mercy-Argenteau à l’âge de 16 ans - Comtesse Carl de Mercy-Argenteau née Comtesse Alix de Choiseul Praslin (1842-1878)






Le Comte Emile d’Oultremont de Warfusée et son épouse née Comtesse Angélique de Mercy-Argenteau - Le château de Warfusée
Le Comte Jean de Beauffort La Comtesse Jean de Beauffort (1873-1948) née Comtesse Adélaïde d’Oultremont de Warfusée


® Extrait du livre « Ochain les vies d’un château »
Lorsque Marie-Antoinette quitte Schönbrunn pour Versailles afin d’y retrouver le dauphin son futur époux, le cortège de cent trente- deux personnes et 376 chevaux est escorté de gardes nobles et placé sous les ordres du grand maître des postes, le Prince de Paar dont l’épouse accompagnait Marie-Antoinette dans le carrosse. La jeune autrichienne est reçue à la frontière française par le comte de Noailles et par le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur.
Au début de la Révolution française, Marie-Antoinette fit remettre à Mercy une cassette contenant tous les diamants qui lui appartenaient en propre. L’Ambassadeur les envoya à Vienne où ils furent déposés.
Pendant son incarcération au Temple, Marie-Antoinette réussit à correspondre avec l’ambassadeur. De nombreuses copies de ces lettres existent encore. Copies parce que lorsque Florimond recevait une missive royale, celle-ci était codée et l’ambassadeur, après l’avoir décryptée, la transmettait à qui de droit de façon à ne laisser aucune trace pouvant révéler l’intermédiaire. Ces lettres nous montrent une Marie-Antoinette bien au courant de la situation et montrant une très grande lucidité dans son analyse.
Je remercie spécialement mon cousin Antoine d’Oultremont de Warfusée pour l’aide qu’il m’a apportée et félicite ce merveilleux propriétaire pour la parfaite conservation des souvenirs de famille.
Ma gratitude va aussi à nos cousins d’Overschie de Neeryssche pour les renseignements qu’ils m’ont apportés dans le cadre de mes recherches.
Différents renseignements se trouvant dans mon article proviennent du livre « Ochain, les vies d’un château » par E.Chefneux-Straetmans