Rue de Maizeret N° 2 et 43

Écrit par Philippe Besure

Si le village peut être fier de son monument et sites classés, quelques potales chapelles, arrêts, grottes bénies et niches diverses sont réparties au travers de l'entité et constituent aussi un petit patrimoine digne d'intérêt.
Outre l'église et le château, la rue de Maizeret à Loyers recèle quelques monuments intéressants : comme les pierres encastrées dans les murs des N° 2 et N° 43.
Déjà, nous avons disserté à propos de l'arbre qui commémorait le centenaire de la révolution belge et aussi d'une magnifique pierre sculptée ... La suite revient à deux inconnues...qui ne sont pas des équations...bien que leur ressemblance nous oblige au moins à leur attribuer une probable origine commune.

Pignon de la grange du n°2 de la rue de Maizeret

Partie supérieure bombée et surmontée d'une croix en pierre calcaire; mention "IL FAUT QU AU NOM DE IESUS TOUT GENOU IL PLIE". Monogramme du Christ (IHS) entouré d'un "soleil" dans un é c u s s o n ovale plus large que haut. Deux supports sur volute et banderole inférieure avec mention "AU. CIEL. SUR. L A. TERRE. ET. DANS. LES. EMFERS".
Signature dans la volute gauche "PHL" (Philippe ou Philibert ?) et fruste dans la volute droite "C ?"

Architrave important en dessous de laquelle est scellée une niche aussi en pierre calcaire datée "1827" (3) fermée par une grille en fer forgé à deux gonds, trois mailles horizontales et quatre verticales, et formée en plein cintre. Statue fruste et informe.
Cette pierre appartient actuellement à Mr.et Mme.LESCEUX qui exploitent la ferme contigüe à la grange. Nul doute qu'une aide financière substantielle à la restauration de cet ouvrage n'aide les heureux propriétaires à embellir une pièce qui fait face à un site classé ...lâchement délaissé par la Ville de Namur.(voir aussi l’effondrement de la corniche Nord du chœur de l'église, datant du 13° siècle; classé pour le plaisir ...ou incompétence aveugle ?

Monogramme rue de Maizeret à Loyers-Namur
Monogramme rue de Maizeret à Loyers-Namur

Mur de soutien et de limite du jardin du n°43 de la rue de Maizeret

Partie supérieure curviligne et assez profonde; mention "JESUS.A.LAVE NOS PECHEZ EN SON SANG" APC
Monogramme du christ (IHS) entouré de "rayons" dans un écusson ovale plus haut que large, encadré de quatre étoiles à cinq raies. Deux supports sur volute et décor de feuillage baroque.
Devise sur banderole en partie inférieure mention:
"SAINT PAUL/ ESCRIVANT AUX ROMAINS DIT/ TOUS CEUX QUI INVO/QUERONT LE NOM DU SEIGNEUR/SERONT SAUVE" (Notons que le "S" final de "sauvés" n'existe pas ..?) Finesse de la taille du calcaire; le support de !a devise inférieure est constitué de deux mains dont les pouces et majeurs sont "repliés" vers l'intérieur.
La signature n'a pas été oubliée; les lettres APC reprises sur la partie supérieure droite du "fronton" en témoignent. Ce monument n'est pas repris dans l'ouvrage sur le patrimoine namurois. Les propriétaires du mur et de cette œuvre d'art, Mr et Mme. MERCIER-LEBÉ, ont été, comme toute cette partie de la rue de Maizeret, expropriés en vue de l'hypothétique agrandissement de la route promise depuis...des années. Un doute subsiste quant à l'avenir et la garantie apportée à la sauvegarde de cet ouvrage. L’Administration responsable nous assurerait-elle de sa non - destruction et de son replacement dans le mur à reconstruire en retrait ?

ndlr : Depuis la parution de cet article, les voeux de Mer Besure ont été exaucés. Le mur a été reconstruit et la sculpture bien mise en valeur.


Le style baroque de nos deux inconnues permet pour datation le 17" siècle.
Si la destination d'un fronton caractérise un ornement situé au-dessus de l'entrée principale d'un édifice (4), nos deux monuments peuvent aussi avoir servi de partie supérieure à un mausolée, comme le représente très bien la photo prise à Brumagne (5).
S'il est vrai que le monogramme du christ peut répondre à une appartenance jésuitique, l'abbaye de Géronsart et les biens qu'elle possédait à Loyers et Maizeret depuis des siècles plaident en faveur d'une origine jésuite.
Les guerres multiples et les ravages des sans-culottes après la révolution de 1789 ne permettent plus que des hypothèses.
Ne peut-on rester étonné devant l'inexistence de la moindre trace de monument funéraire ou de pierre tombale contemporaine au début du 17° siècle, date du remaniement principal du château de Loyers? La chapelle castrale dédiée alors à Notre-Dame abritait bien le caveau funéraire de la famille d'Eve, dans la chapelle de gauche dédiée à Sainte Catherine. Mais doit-on penser qu'une autre chapelle intégrée au château fut bâtie après 1600 ?
La gravure imprécise de Remacle LELOUP de 1738, laisse deviner à l'extrémité droite de la tour du fond, une petite chapelle surmontée d'une croix..? Berlue ? Invention ? Supputation ? Qui le dira..?
Une autre origine possible et pour le moins inattendue tant elle est logique serait le refus d'une commande aux tailleurs de pierres de Lives-Loyers. On constate de nombreux défauts de taille surtout dans .la graphie (6). Ces erreurs étaient-elles de nature à voir refuser le travail par le commanditaire ?
Notons aussi que l'ermitage St Godefroid de Loyers, situé à Lives et érigé probablement vers 1674 à l'initiative du seigneur de Loyers, collateur et patron de l'église de Lives, le baron Jean Isidore de MOITREY (7), est détruit et ne laisse plus que des fondations. Peut-être nos pierres inconnues proviennent-elles de la générosité du seigneur loyersois ?
La pose de la petite niche datée 1827 permet une approximation peu fiable du scellement de cette pierre dans le mur actuel. Son origine est peut être autre et le caractère fruste et peu fini de sa taille fait pencher en faveur d'une origine différente du "fronton". Elfe contient une statue incomplète ressemblant à la Vierge Marie.
En guise de conclusion, que le lecteur sceptique nous fasse part de son point de vue et peut-être pourrons-nous polémiquer ensemble sur d'autres origines tout aussi historiquement inconnues, même par la tradition orale. Notre équation à deux inconnues n'est donc ...pas résolue.

c)dépôt légal BD 43639 - Philippe BESURE
Extrait du journal L'entre-deux N° 54 du 01/10/1991

3) C'est à notre sens une erreur de lire "1821"("); rien ne justifierait la différence du motif de la taille dans la pierre entre les chiffres des milliers et des unités. C'est donc bien de l'année 1827 qu'il s'agit.

-A lire aussi:
Patrimoine Monumental de la province de Namur, page 377. Ed. Crédit Communal.
(*) Les villages du Sud-Est de Namur. R. DELOOZ, page 116. -A voir aussi : Photo de la collection du Patrimoine; collection allemande 14-13
(4) Voir : Château de Loyers, cour intérieure, ancienne entrée principale, beau fronton triangulaire armorié aux armes de Jean-Isidore de MOITREY et de N...WALRAVE D'OULTREMONT, sa troisième épouse .(5) Photo d'un mausolée dans le mur du parc du château de Brumagne, côté Meuse, vers Namur. Voir article à venir et Entre-Deux n"46.
(6) La pierre armoriée décrite dans l'Entre-Deux rT46 était aussi sujette à caution par l'inversion des bannerets; pour le cas présent relevons le "S" de sauvés, le "MON" en place de NOM, "EMFERS" en place de ENFERS, etc..
(7) Voir article à venir : "L'Ermitage St Godefroid de Lives, huitième ermitage de la franchise de Namur ?"