Sorcellerie à Loyers et Comté de Namur


Ecrit par André degrune
Extrait du livre d’Emile Brouette. « La sorcellerie dans le comté de Namur au début de l’époque moderne. (1509-1646).
Les condamnations pour sorcellerie à Loyers.
Marie Grégoire, de Loyers, confessa « qu'autant de fois qu'elle alloit à la communion, elle retiroit la sainte Eucharistie eng mouchoir et le remttoit par après dans son escrin »
Cour du Feix(namur), reg. 162, fol. 116 Ie.
1615 Anne Aniben Brulée Ibid reg. 15557, fe 192 Ve
1615 Grégoire N Bannie Ibid reg. 15557, fe 197 Ve
1615 Marie N Acquittée Ibid reg. 15557, fe 199 Ve
1615 Jacqueline petit Acquittée Ibid reg. 15557, fe 202 Ve
1624 Jeanne Carpentier Brulée AGR, CC, reg.15399. 1e 19 Ve
1623 Jeanne Thiry Bannie AEN? cour de Feix, reg. 163, ve
1623 Isal... Thiry Bannie 1 bid, ... ...
1615 Comptes des frais du procès d'Annette Anniben (Anne Annibe) accusée de sorcellerie. (en livres et en sous)
Les procès d'importance se déroulent à Namur (cour de Feix). L'orthographe originale a été conservée.
Aux sergents ayant appréhendé au lieu de Loyers distant environ une lieue de la ville de Namur, Anne Annibe, inculpée de sorcellerie et ycelle amené ès prisons, payé, pour être hors la ville et de la distance d'une lieue : XXXII S.
Aux procureur dudit Sr Mayeur y ayant lors aussi esté et tenu information du faict de ladite prisonnière, ayant ouy plusieurs manans, en tout, luy payé : XXX S
Pour, le IIe de mars 1615, avoir faict adjourner la censeresse D'Anhayne où elle avoit résidé et Quentine de Hautbreve, épouze à Antoine Tahire, brasseresse del Bouteille où ladite prisonnière avoit demouré et esté famée d'avoir mis le poison. Payé aux sergeans pour ladicte vacation et exploit ès dit lieu hors ville : XS.
Au procureur dudit Sr Mayeur les ayans ouy. XS
Pour l'interrogatoiire dressé contre ladite prisonnière, XS
A la cour examinant, XVIS
Aux sergeans l'ayant amenée et remenée ès prisons, XIS
Pour autres interrogatoires du 2 mars, XS
A la court. XVISAux sergeans l'ayant menée en justice, VIS
Au procureur dudit Sr Mayeur, pour avoir lors fait sa requête, afin de pouvoir faire appréhenser les autres accusés, VIIIS
A la court ayant sur ce donné leur décret, XVIS
Aux sergeans ayans, suivant ce, fait venir ledit jour Marie veuve de feu Gustin Mudoog, résidente hors ville de Namur, qui fut lors ouye et confrontée avecq ladite d'Annibe, XVIS
A la cour l'ayant examinée de ses comportements et du fait de ladite accusation, XVIS
Et comme elle déniait formellement l'accusation de ladite Annibes, l'on aurait mandé ladite Annibes et les confronté l'une devant l'autre; payé aux sergeans l'ayant amenée, VIS
Pour sur ce avoir aussi examinée ladite Annibes, tant séparément que avec ladite Marie, payé à la cour, XVIS
Au procureur dudit Sr Mayeur, présent et exposant ledit examiné, XS
Au sergeant ayant ramené le 3e de mars ladite Annibes, ès justice où elle fut examinée, s'y apparent toujours par la présente besogne, VIS
A la cour pour ledit examiné, XVIS
Cependant et pour plus s'assurer de la vérité du dire de ladite Anniben tant au regard de son faict que ceulx et celles qu'elle accusoit, ledit Sr Mayeur aurait envoyé audit lieu de Loyers pour prendre information au seigneur dudit lieu parce que à la première fois il n'estoit aux lieux, pour lesquelles informations et besognes illecq tenu le 3 mars, compris la vacation, XXXS
Pour avoir fait redemander ladite Annibes ès justice le Ve de mars 1615 aussy l'examiné suivant le contenu de la déposition faite par sieur de Loyers à la charge d'icelle prisonnière, payé au sergean, VIS
A la courte, XVIS
Au procureur dudit sieur ayant requis et proposé ledit examiné, VIS
1.Le VIe de mars, ledit sieur Mayeur auroit fait ouyr et examiné Nicolas et Antoyne Tahir résident au lieu d'Anhayne, territoire de Jambes, ayant pour ce envoyé exprès ; à son procureur, ayant fait conduit le présent examiné, XXS
Pour les droits de ceulx de la courte illecq, et le droit d'ajournement du sergent, XXVIIIS
Ores comme ledit sieur Mayeur, suivant le décret qu'il avoit à la charge des accusés, eust fait appréhenser quatres aultres contre lesquelles il procédoit, et estoient toutes quatres déniantes et contredisantes ycelle Anniben, entendant qu'il avoit une autre sorcière apprhendée és la seigneurerie de Brimagne, sur l'accusasion de ladite Anibes, et qu'icelle sembloit confesser quelque chose, ledit sieur Mayeur auroit envoyé illecq son procureur, lequel aurait examiné, tout au long, icelle sorcière; pour laquelle vacation et son besoigné illecq fait ayant tardé 2 jours, luy payé, LS
Et nonobstant que lad. Prisonnière de Brimagne se conformoit au dire de lad. Anibes, et venoit aussy à charger les autres prisonniers que ledit Mayeur avoit, ce néanmoins, comme lesdicts prisonniers contestoient toujours au contraire et eussent signamment fait qu'ils fissent révoquer ladicte Anibes de tout ce qu'elle avoit dict, s'escusant icelle que tout son dire provenoit de ce premièrement elle avoit été forcée par beaucoup de tormens que on lui devoit avoir fait tant au lieu d'Hahaine que à Loyers. A cette causse besoing seroit esté de tenir enquête suivant lesdicts faicts, le 1er d'avril; pourquoy fut payé aux segeans pour la demande et exploits par eux fait, XIIS.
A la courte pour avoir tenu ladite enquête de droit ordinaire à raison de trois temoings, XXXVIS
Au procureur produisant lesdits témoings et présentant ladite enquête, XS.
Pour la conclusions de mort prises contre ladite Anniben, le 14 mars 1615, NIIs
Pour l'avoir amenée en justice, VIS
Pour aultre acte soutenu et besoigné contre elle mesme, fait le 5 avril1615, payé, VIS
Au sergeant l'ayant menée en justice, VIS
A la cour l'ayant condannée à la torture, XXXIIS
Au sergeant l'ayant menée en justice, VIS
Au maître des oeuvres l'ayant mise à exécution, XXXIIS Réduit à XVI S
A la court y ayant comparu et l'examinant, XXXII S
Au procureur dudit Mayeur aussi comparu et proposant l'examenne, XS
Au sergeant l'ayant amenée et remenée en prison. VI S
Pour l'avoir fait rappeler en justice le 9 dudit mois d'apvril, payé au sergeant, VI S
Pour l'examenne lors fait, XVI S
Pour avoir reproduit toutes les pièces ès court, IIIIS
A la cour pour les droits de sentence, XXXII S
Au sergent l'ayant amenée à la pronionciation, VI S
Pour ung cent de fagots et des genests, XLV S
A Jean le Liégeois pour avoir fait un estache, X S
Aux quatres hommes ayant sonné la blanche cloche, XVI S réd. À s S
Au maitre des oeuvres pour avoir mis ladite sentence à exécution par le feu et l'estache, XXXII S
Au six sergeans de la ville de Namur pour avoir conduit lad. Prisonnière au lieu du supplice, sur la fin et extrémité de la banlieue, par de là Loyers, une grosse lieue de Namur, payé, XXXII S
Aux père de l'observation, Mr St-François, pour les devoirs et prières rendus par deux de leurs religieux ayant confessé et conduit ladite prisonnière leur payé, XL S
Pour l'avoir tenue en prison depuis le dernier février jusque le 11 avril, VI L IX S
Ce procès fut l'occasion de plusieurs autres, à cause des dénonciation arrachées par la torture à l'accusée. Outre les complices que l'on a trouvés dans l'acte, un nommé Grégoire, le veuve Devère Marie Bonne et Jeanne Foute, sont successivement appréhendés, torturés à diverses reprises, confrontés avec Anniben, forcés d'avouer, puis admis à se rétracter après l'exécution d'Anniben.
Le premier est banni, les deux autres sont élargis.
De 1500 à 1650 les Pays-Bas, et plus particulièrement le comté de Namur payèrent un lourd tribut à la sorcellerie. Il n'y a peu de village qui ne virent s'élever au moins un bûcher de sorcier ou, le plus souvent de sorcière.
Le satanisme est répandu dans le comté avant les années 1500. Divers indices en font foi, notamment l'insertion dans la coutume d'Andenne de la peine de mort pour crime de sorcellerie, le procès d'une sorcière à Fleurus en 1441 et celui de deux frères poursuivis pour maléfices à Namur.
Cependant la sorcellerie ne connut pas à cette époque l'ampleur qu'elle revêtit au XVI siècle.
C'est par le pacte, entendant par là l'union charnelle avec un démon que l'on entre en sorcellerie.
Ce n'est pas au sabbat que s'accomplit nécessairement cette prostitution. Anne de Chanteraine, sorcière de Waret-la-Chaussée, se donne à un inconnu pour qu'il lui rassemble son troupeau : elle se livre ainsi au diable; Jeanne Moreau de Spy, fait de même pour de l'argent; Jeanne Lallemand, de Saint-Amand, pour une chemise; Francoise Ernould, d'Assesse, parce que son mari l'avait battue. Transportée au sabbat sans initiation préalable, repousse les avances du diable, mais lesbienne, se livre peu après à sa patronne.
Les satanisans sont de tous âges : ce sont d’abord des enfants, on trouve ensuite les femmes mariées puis les jeunes filles.
Parmi les adeptes de Satan les hommes sont plus rares que les femmes. Toutefois on trouve également des sorciers.
La grande majorité des accusées et accusés, appartiennent à la couche inférieure de la population. Certains sont vachers, d’autre vivent de la prostitution.
Exemple : on nous présente Jacqueline Mouloy, de Châtelinau, se complaît de sa pauvreté, à tel point que la meunière du village l’autorise à traire une de ses vaches.
Anne de Chanteraine, fille d’un marchand ambulant, a été élevée par les sœurs noires de Liège, à l’orphelinat de qui elle a apprit le catéchisme et la couture ; à douze ans elle fut mise en service comme ravaudeuse chez une veuve de la ville et devint ensuite vachère à Erpent.
Jenon Lescailleteur, d’Hastière, comme une pauvresse qui n’a ni bonnet ni drap de lit.
Françoise Ernould de Assesse, a volé un pain et des hardes ainsi que quatre setiers d’épeautre, dont elle a vendu deux et porté les deux autres au moulin.
Il serait fastidieux de tout énumérer ainsi que de citer toutes les sources. On en trouve comme cela des centaines d’exemples de +- 1550 à 1650.
Trait caractéristique de l’époque, on trouve des servantes et concubines de prêtres. Une certaine Jeannette, réputée « sorcière vaudoise » est servante du chanoine Pigeon de Walcourt.
Béatrice Laid Patar fut « meschine » du curé de Fumal. Anne Gouge fut la maitresse du curé de Falaen, après avoir été celle du curé de Rosée. Elle avoua avoir transformé la cure de Falaen en maison de prostitution et c’est dans le sanctuaire paroissial même que, selon elle, le curé la possédait, etc. ...
Le clergé n’est pas à l’abri de la sorcellerie, plusieurs moines de Stavelot sont suspects.
On trouve encore des violeurs, empoisonneurs à l’arsenic, ou encore des sodomistes. « La sodomie a été souvent confondue avec la sorcellerie, car l’on croyait que satan connaissait les sorciers et sorcières sous forme de bêtes. Les archives du comté de Namur conservent plusieurs documents relatifs à la sodomie. A Wasseige en 1515 et en 1542. A Liernu en 1545…. En 1633, Jean Raes est pendu à Thynes pour sodomie, son corps réduit en cendres ; la jument avec qui il consomma son crime à eu la gorge tranchée. Archive de l’Etat à Liège.
Des peines très sévères étaient portées contre les satanisants
On fait des enquêtes pour connaître ceux qui sont entachés de la réputation de sorciers. Des questionnaires établis par les communes sont conservés.
Exemples pour Evrehaille : trente-deux témoins comparaissent. Dix-huit ne savent rien ou ne veulent rien dire, quatorze accusent une habitante du village, Anne du Faideur, d’avoir la réputation de sorcière, mais seuls deux d’entre aux formulent une accusation précise, et encore celle-ci est basée uniquement sur la rumeur publique. Le premier déclare « avoir oui-dire qu’on l’avoit vu sauter parmi les hayes en clair soir vers Poilvace pendant l’oust » Quant au second, il est plus vague encore : « il a ouy dire de sa femme quel avoit ouy du sergent Bernard luc qu’une fois retournant le dict Bernard du Moulin trouva la dicte veuve du Faideur en regardant de souz l’uys de la maison de la vefve qu’el machoit ou brychaudoit quelque chose dedens un pot, mais ne scait ce que s’estoit » Ce qui n’empêcha pas la malheureuse d’être arrêtée et son procès entamé, preuve que l’on se contente de vagues indices et qu’aucunes précision n’est requise de la part des témoins.
Le sorcier pouvait sous certaines conditions se laver de cette renommée infâme. C’est ce que l’ancien droit connaissait sous le nom de « purgation de fame ». Si un tel accusé parvenait à réunir un certain nombre de co-jureurs, qui certifiaient son innocence, ou à produire une attestation de personnes qualifiées, par exemple le curé du lieu, il était lavé de sa réputation de satanisant et l’enquête close aussitôt.
On reste confondu de l’ineptie des déclarations des témoins. Ce sont souvent des racontars de bonne femme, une rumeur colportée de bouche en bouche et transmise aux juges vide de tout élément concret susceptible d’être retenu par un juriste.
Les juges pouvaient user de mensonges, de ruses ou de fausses promesses pour obtenir des aveux. L’examen à l’amiable était ordinairement suivi de l’interrogatoire sous la torture. La plus courantes des tortures était le supplices de l’eau, de l’étirement et de la veille. La torture par faim et la soif étaient défendus.
En principe, le sorcier était condamné au feu. Mais la strangulation préalable était de tradition chez nous.
SI aucune confession libre n’était obtenue, la peine capitale était rarement appliquée. Le bannissement avec ou sans fustigation était alors le peine ordinaire ; la pendaison, le pilori et l’amende honorable étaient exceptionnels. La peine du ban était prononcée à vie.
On constate que la sorcellerie est un phénomène proprement rural. Il est clair que l’apparition et le développement du satanisme sont en rapport avec les malheurs éprouvés par les habitants d’une contrée. L’entre-Sambre-et Meuse a souffert de troubles sans nombre de l’époque et la Vallée de la Sambre fut un foyer endémique de maladies contagieuses. Ajouton à cela les superstitions et la déséquilibre moral qui s’emparent de toutes les classes de la société. Renonçant à trouver la fin de leurs malheurs par des moyens normaux, les masses populaires se livrèrent au satanisme qui devint pour certain ce que le jeu ou la faveur du Prince étaient pour d’autres : dans leur esprit un moyen rapide et facile de faire fortune, tout au moins d’échapper à la misère.
Extrait de Albert et Isabelle, fragments sur leur règne par Ch. Potvin.
Illustration : Sabbat de sorcières. Chronique de Johann Jakob Wick (xvie siècle)