Le premier dimanche de Carême est en Belgique le jour du carnaval par excellence. En Wallonie, ce dimanche est aussi le jour où on allume partout des feux de joie. C'est le jour du "grand-feu"
Les grands-feux saluent le départ de l'hiver : on brûle le bonhomme d'hiver. C'est le renouveau du printemps, la dernière manifestation du carnaval.
Anciennement, on brûlait surtout les branches d'épines récoltées de la tonte de nos haies et de l'ébranchage des arbres ; les jeunes gens allaient dans chaque maison recueillir des fagots de bois ; l'homme le plus âgé avait l'honneur d'allumer le bûcher ; on dansait autour du feu ; lorsque celui-ci était presque éteint, les jeunes gens se noircissaient la figure, poursuivaient les jeunes filles pour les embrasser et danser des rondes.
On souhaitait voir ce jour-là sept grands-feux ; les personnes favorisées par ce spectacle espéraient "aller au paradis" ou "ne pas mourir dans l'année", et, si elles étaient jeunes, "se marier dans l'année".
Beaucoup de coutumes anciennes se sont perdues après la guerre 1940-45, et surtout pendant les années soixante où l’on faisait table rase du passé.
Depuis ces dernières années, la coutume des grands-feux a été remise à l'honneur et s'est amplifiée : elle donne lieu à des réjouissances et des spectacles plus ou moins importants. Les "cérémonies" du grand-feu se sont vues affublées d'autres coutumes qui, a priori, n'ont aucun rapport. Chaque grand-feu qui se respecte a sa confrérie dont la mission est de promouvoir une spécialité gastronomique locale.
À Loyers, on y brûle la sorcière après l'avoir promenée en fanfare dans les rues du village à la lueur des torches ; le bûcher est allumé par les derniers mariés de l'année.À Maizeret, le plus petit des grands feux, on y mange des crêpes.
Le plus important est le grand-feu de Bouge et ses sept petits feux : la tradition n'a jamais été abandonnée et est peut-être la plus conforme ?
Anciennement, dans la région de Huy, où le grand feu est le deuxième dimanche du carême, les enfants invitaient les parents qui, à ce que l’on disait, "allaient manger le pain des enfants" et invitaient, à leur tour, les enfants à la Laetare.
Dans les villages sur la Meuse, entre Huy et Liège, on disait qu'il fallait manger, le jour du grand feu, sept espèces de pain. C'est pourquoi on allait visiter tous ses amis et toutes ses connaissances en mangeant à chaque visite un morceau de pain.
A Rochefort, la fête du grand-feu se terminait par la Soudée. Il s'agissait d'annonces de mariages fantaisistes qui se succédaient sans interruption pendant une heure et plus, rythmées au son d'un roulement de tambour. Cela s'appelait souder.
Les mariages "contractés" au jour du Grand-Feu se dénouaient à la Laetare "en trempant la couque" entre filles et garçons. La couque était fournie par la soudée et la boisson par le soudé.
L'usage de publier des bans de mariage imaginaires le premier dimanche de carême, se retrouve, dans les Ardennes françaises et en Lorraine, sous le nom de soudage et de vausenatte.
L’origine des feux qui s’allument le premier dimanche du Carême serait les vestiges d’une ancienne tradition, fête païenne en l’honneur de Thor ou Donar. A entrée du printemps, on implorait la bénédiction de ce dieu du printemps pour garantir les champs et les semailles de tout malheur.
La tradition des feux n’est pas l’apanage de la Wallonie ni de la Belgique.
La tradition existe également dans le Nord, l’Est de la France et en Allemagne. Même dans la région de Lyon et du Bugey, au siècle dernier, la tradition des feux de carême existait, sans doute nos amis loyettains l’ont-ils oublié…
Actuellement, en France, “les feux" de la Saint-Jean et de la Saint-Pierre sont remis à l’honneur, généralement par des festivals de musique. Mais ceci est une autre histoire.
A.Degrune.
Bibliographie :
Baron de Reinsberg-Diringsfeld : Traditions et légendes de la Belgique.
Fernand Pieltain : Le folklore au pays de Namur.
Rousseau : Légendes et coutumes du Pays de Namur.